Les Introvertis Avec Troubles Invisibles

Comment un introverti peut-il en cacher un autre ?

Les troubles invisibles sont comme les fuites urinaires, on en a honte et on les cache. Bien que cela soit une manifestation humaine comme une autre presque inoffensive si ce n’est banal, les introvertis concernés subissent une double peine. Introverti et benêt ? Serait-ce ce que pense tout bas le bien-pensant ?

Le parcours d’une introvertie mal dans ses escarpins.

On ne nait pas égaux, c’est une chimère que l’on raconte aux enfants pour les préserver d’une souffrance, qu’ils devront tôt ou tard affronter. La différence n’est pas aussi acceptable que l’on veut nous faire croire, quand on martèle des slogans qui ne font qu’informer sur l’existence de l’autre, d’une minorité. Encore une.

La nature fait les Hommes semblables, la vie les rend différents.

Confucius

Être introverti en soi, est déjà un fonctionnement distinct par rapport à la majorité. Malheureusement, l’introversion est simplement une des divergences avec lesquelles je compose, dont je dépense mon énergie à masquer. Tous les introvertis connaissent bien cette obligation, la norme qui oblige à un comportement figé, comme une frontière rigide que certains comme moi ne peuvent cesser de franchir. Je vis de l’autre côté, derrière cette grande muraille normative, transparente, une frontière une ligne Maginot hypothétique pourtant infranchissable.

Si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente.

Antoine de Saint-Exupéry

L’anxiété et les troubles panique d’une introvertie.

Ça n’est pas arrivé par hasard, la première fois. Ce sont des années de thérapies qui tombaient à l’eau, et une vie à analyser mes anomalies et incongruences quand immanquablement j’examinais mon parcours on ne peut plus chaotique. Je ne fais pas partie de ces introvertis qui ont l’assurance de partager leurs expériences sans une angoisse paralysante, j’écris ses mots sans être sûre d’avoir le cran de partager ce billet autobiographique. Simplement, à quoi servirait-il de conseiller le partage, quand on n’en est pas capable soi-même ?

La plus irréductible de toutes les haines est la haine par différence.

François Salvat de Montfort

Les troubles monomaniaques d’une introvertie.

Une introvertie qui vérifie beaucoup la peur au ventre, quand rien n’est annoncé, pas même un orage d’été. Ces troubles anxieux ont littéralement gâché ma vie. On n’est jamais conscient de l’ampleur de l’emprise d’un trouble aussi envahissant, mais il y a autre chose. Un enfant, qui ressemble à ces savants, qui savent plein de drôles de choses et que l’on met dans une petite case, toute petite. La neurodiversité chez les introvertis est courante, mais on n’en parle pas, quant à l’autisme et l’introversion, le parallèle a été fait par Jennifer Odessa Grimes désormais médecin, que l’on connaît bien chez les introvertis, pour sa contribution à l’élaboration du modèle STAR qu’elle a collaboré à élaborer aux côtés de Jonathan Cheek, permettant de déterminer quel est celui des 4 types d’introversion on appartient.

C'est une très méchante manière de raisonner que de rejeter ce qu'on ne peut comprendre.

François-René de Chateaubriand

L’hérédité en cache aussi une autre.

Le diagnostic de mon petit garçon a posé la question de l’enfant que j’étais, parce que ce que l’on observait chez lui est bien présent chez sa maman depuis toujours. J’ai enfin pu comprendre pourquoi je n’avais pas eu la jolie petite vie que d’autres vivent, et que rien n’a jamais été comme eux, ceux de l’autre côté de la grande vitre. J’ai aussi enfin pu mettre des explications sur mes impossibilités sociales. De la petite introvertie que j’étais précoce, cependant presque muette, à l’adulte qui n’a jamais pu dépasser le mur vitré. Après des années à m’infliger de grosses bosses et des bleus, j’ai décidé de rester sur mon territoire, et de ne plus essayer d’échapper à mon atypie.

La nature crée des différences, la société en fait des inégalités.

Tahar Ben Jelloun

L’introvertie qui ne sait toujours pas bien comment se tenir.

Comment communiquer quoi que ce soit quand je refuse de m’accepter comme je suis exactement. J’ai beau l’avoir répété cent fois et c’est anxiogène, je ne sais pas vraiment ce qu’il faut faire ou dire, et je fais des efforts surhumains pour cacher mon embarras. Je suis introvertie et mal voyante socialement, qui cache son handicap, et c’est épuisant. Je ne sais pas les intentions ou sous-entendus, ou ce que l’on souhaite ou même exige, et cette anxiété augmente parce que je sais que j’ai encore dit ou fait un hors sujet monumental, de l’autre côté de ma baie vitrée translucide.

Les hommes naissent bien dans l’égalité, mais ils n’y sauraient demeurer.

Montesquieu

Elle est bizarre, non ?

Je l’ai entendu et assimilé, je suis socialement incompétente pas sotte, mon QI élevé est hétérogène hélas. Je suis une introvertie et trop solitaire notamment pour avoir exercé mes compétences sociales par cycles désastreux, le temps de faire illusion et de disparaître en crise. C’est presque un miracle pour moi quand j’achève une conversation sans me morfondre d’inquiétude de ce qui aurait dû être. J’ai toujours été inadaptée et il faut bien le reconnaître, évasive et marginale, puisque je suis derrière la vitre et qu’il n’existe pas de chemin pour traverser la ligne de verre, il n’y a pas de garde-frontière armé, mais quand j’essaie de me glisser clandestinement là-bas, chez eux, on me fait remarquer que ma place est ailleurs, derrière ma vitre.

“L’inégalité, c’est le risque permanent du mépris.”

René Lévesque

Le rejet et l’injustice résument bien mon chemin.

Les liens sont évités faute de compétences à les tisser et les garder, et la cruauté d’une vie professionnelle et affective affligées. L’hyperesthésie de l’odorat, de l’ouïe et du toucher, comme mes cheveux m’insupportent sur ma nuque, et d’entendre une goutte d’eau fuyant du robinet, même en jouant de la musique au casque. Sentir à plusieurs mètres la moindre odeur… L’hyposensibilité à la douleur et des repères spatiaux approximatifs, beaucoup de bleus et bobos découverts chaque jour. Des routines, manger toujours la même chose sinon un colon irritable invalidant, des centres d’intérêts particuliers et accaparant, et marcher sur les pointes de pieds. L’épuisement physique et émotionnel régulier, l’auto stimulation maîtrisée (le « stimming » la tête, les mains et verbal chez moi) et essentiellement être bannie, le découvrir longtemps après. Les psychophobes sont plus nombreux qu’on l’imagine, y compris les plus proches supposés soutenir inconditionnellement.

 Il est vrai que si des hommes sont séparés de nous en différence d’apparence et d’habitudes, l’expérience nous montre, malheureusement, combien le temps est long avant que nous les considérions comme nos semblables.

Charles Darwin

Les introvertis et le handicap invisible.

Le handicap invisible n’est ni pire ni moins mal que le visible, il ne se voit pas, il se perçoit. Comment résumer en quelques phrases une vie entière dans une bulle incassable, mais invisible. La neurodiversité chez les introvertis existe bel et bien, elle sépare, questionne et fait souffrir plus souvent. Le masque cache, mais ne change pas la réalité de ce qui est, c’est s’accepter comme je suis qui m’a pris plus d’une vie. Parce qu’à un moment il a fallu en quitter une, pour en démarrer une autre, puis une autre. Je ne sais pas à combien de vies j’en suis aujourd’hui, mais une chose est certaine, c’est la dernière. Car derrière ma vitre, je ne regarde plus l’autre côté, mais le mien.

TheIntrovertSinger

Références :

INTROVERSION AND AUTISM: A CONCEPTUAL EXPLORATION OF THE PLACEMENT OF INTROVERSION ON THE AUTISM SPECTRUM : JENNIFER ODESSA GRIMES B.A. Wellesley College

Four Meanings of Introversion: Social, Thinking, Anxious, and Inhibited Introversion : Jennifer Grimes, Jonathan M Cheek

www.bilan-psychologique.com
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