La lettre ouverte d’une introvertie à une Première dame de France, conseillée par l’esprit de Boris Vian

Madame Trierweiler,

Vous avez bien voulu attirer les rayons du flambeau des actualités sur un tempérament fort accessible et explicable. L’introversion dont je suis porteuse ne détermine pas mes traits de personnalité. Vous avez cru devoir affirmer qu’il s’agissait d’une pathologie maligne, auteure de vos maux, gageant qu’ils soient passés.

Vous avez fait publier dans votre ouvrage, « Merci pour ce moment », quelques phrases condamnant et stigmatisant des individus, qui dans leur immense majorité, ressentent la souffrance comme vous, s’associant à toutes vos peines sans feinte ni réserve. Sachez Madame que pour ma part, c’est pour vous témoigner ma sympathie que je souhaite vous adresser ces quelques mots.

Je regrette d’avoir à vous le dire, mais les introvertis représentent une communauté composant au moins un tiers de la population, et depuis que quelques scientifiques du XXᵉ siècle à nos jours se penchent sur cette divergence, nous découvrons que l’humanité abrite des dissemblances indéniables et inévitables. Certains peuvent les craindre, car en vérité on ne s’inquiète que de ce que l’on ignore encore.

De deux choses l’une : femme d’engagement, vous battez-vous pour la vérité ou pour vous-même ? Si vous vous battiez pour la vérité, ce que j’ose espérer, ne tombez pas sur quelqu’un qui est du même sérail que vous et répondez à la question suivante : si l’on n’attaque pas la vérité dans le mensonge. Quand aura-t-on le droit de l’attaquer ? Ou alors vous aimez le mensonge – et vous ne défendez la vérité que pour vous-même ? C’est une supposition que je ne me permettrais pas même de faire, car pour ma part, je ne suis pas du type agressif. Ainsi, ce tempérament qui s’engage pour ce contre quoi vous vous êtes engagée, ne tente pas, en jouant sur les mots, de vous faire passer pour ce que vous n’êtes pas : cela serait pur mensonge.

Car il y a de bons engagements et de mauvais engagements, encore que le rapprochement de mauvais et d’engagement soit de nature à me choquer, moi et bien d’autres introvertis, de prime abord – comme l’introversion – ou sa manifestation apparente – a pu vous choquer de prime abord. Appellerez-vous un bon engagement celui que l’on tente de faire mener aux discriminations, aux racismes ? Mal armés, mal guidés, mal informés, n’ayant souvent pour toute défense qu’un maigre témoignage de bonne foi dans lequel aucune méthode que les scientifiques donnent aujourd’hui en bouclier contre un mensonge (se défendre était impossible, et de nombreux introvertis vivaient honteux de leur nature profonde), les discrets d’hier ont donné au monde une leçon d’intelligence en refusant de se conformer : ceux qui étaient en mesure de publier l’on fait, et n’ont publié fort bien que des faits : mais le beau geste qui consiste à la manière du journaliste de vérifier ses sources n’est plus de mise aujourd’hui, on écrit mécaniquement ce qui l’on a sur le cœur, car c’est bien de cela qu’il s’agit, chère Madame Trierweiler ; la vérité n’a même plus valeur de symbole, si l’on peut considérer qu’elle l’ait eu en imposant au moins au mensonge le respect qu’elle mérite.

D’ailleurs, s’engager pour sa vérité, c’est fort bien : encore faut-il ne pas faire de généralité de tout – car où se situeraient les faits – la vérité objective ? Ce n’est pas une pathologie – l’introversion – ce sont des gens. Les Docteurs Carl G. Jung, Hans Eysenck, et bien d’autres encore ne me contrediraient pas sur ce point, je pense -. Eux ne sont pas malades : ils sont des individus minoritaires au moins en parole que l’on est censé défendre – et leurs défenseurs dont je fais partie n’ont rien de plus pressé que de recouvrer l’intégrité qui leur revient, car cela signifie que la vérité est reconnue et acceptée.

Au reste, si un tempérament peut paraître menacer une certaine catégorie de gens, ce ne sont à coup sûr pas les introvertis : les anciens introvertis dont je suis, seraient-ils repentis ? Et voudriez-vous m’expliquer ce que vous entendez, vous, par pathologie ? “Un introverti n’a pas peur des autres” serait un comportement pathologique ? – ou “Incapable de tourner ses sentiments vers l’extérieur” une maladie honteuse ? “L’introverti est totalement lisse, ne montre aucune émotion”, cela prend une nuance agressive. Si “Il veut être plus normal que la normalité” est en effet une pathologie, comment désigner la plume stigmatisant à l’encre indélébile toutes les mains immaculées, dissemblables de vous en apparence, de ce dont ils sont accusés ?

Attaquerez-vous l’introverti Einstein, Madame Trierweiler ? C’est plus risqué que de s’en prendre à une communauté d’anonymes. Je vous préviens… Et ne me dites pas qu’Einstein est un malade : les gouvernants eux-mêmes lui ont emprunté ses recettes, car ils reconnaissaient sa supériorité. Einstein n’est pas responsable des drames qu’a engendrés son génie, il en a été profondément affecté. L’introversion de Monsieur Einstein et de nombreux individus ne peut pas être assimilée à une pathologie, dont je devine à lire l’ampleur de votre blessure qu’il s’agissait de bien autre chose, bien plus courant et mieux connu aujourd’hui : le froid dont vous avez été spectatrice ressemble sans nul doute à la manifestation d’une nature véritable, une personnalité équivoque, ayant moins de scrupules que vous, en vérité. L’introversion n’est pas responsable des manquements d’un conjoint défaillant en courage d’affronter le regard de celle, dont il était de son devoir de ménager des tempêtes déraisonnables et indignes dont nous fument involontairement témoins.

L’introversion est avant-tout, une préférence cognitive ; c’est un peu comme tout ce que l’on fait avec plus de facilité, on choisit une main plus dextre, un pied aussi, ou parfois les deux. Un introverti n’est pas simulateur ou dissimulateur. Un esprit hyperactif poursuit le calme autour de lui, les démonstrations les plus tapageuses ne sont pas si sincères, ne le savez-vous pas ? L’introversion se retire, mais ne trahit pas, il ne faut pas confondre la duplicité insincère avec la discrétion d’un tempérament réservé, dont la quête du lien authentique et profond fait se retirer. Un introverti moyen est un collaborateur loyal, un époux fidèle, un parent dévoué, une amie discrète comme un tombeau. Je ne suis certainement pas de celles s’épanouissant au fil des dîners mondains, mais je suis l’oreille la plus fiable dont une, puisse rêver. Madame, nous savons que vous n’êtes pas comme d’autres, ces hypergames : cela est bon d’en faire le rappel contre les amalgames regrettables colportés au sujet de quelques femmes méconnues, compagnes de pouvoir comme vous, en revanche, seriez-vous psychophobe ?

Vous l’avez écrit vous-même : « on se trompe en confondant introverti et timide », en effet, la timidité s’acquiert quand l’introversion innée permet de cultiver des qualités sans lesquelles, vous Madame Trierweiler, femme de lettres et de presse, à défaut de vérité fortuitement, n’auriez pu achever ce parcours remarquable. De la ZUP à “première Dame“, car nul individu se construit sans introspection ni esprit, d’analyse ou de synthèse, sans indépendance, que votre métier de journaliste a assurément exigé. De nombreux philosophes sont apparentés à l’introversion, dont le discernement ne ressemble en rien à de la souffrance psychique ou bien à une manifestation narcissique… Et j’en suis affligée semblablement à vous, c’eut été la plus simple des explications. Car il revient quelquefois à soi de se pardonner ses erreurs.

C’est bien la vérité en général que vous défendez quand vous vous engagez, ou la vérité qui vous arrange, Madame Trierweiler ?

Bien cordialement,

theintrovertsinger.com

Références :

Lettre de Boris Vian à M. Faber : Huffingtonpost.fr

https://www.leparisien.fr/politique/valerie-trierweiler-je-ne-regrette-rien-12-05-2015-4766061.php

www.16personalities.com