Introvertis : Battre le Bavardage Par Ko

Comment transformer sa vie en aventure intellectuelle en ajoutant du sens à chacun de ses mots ?

On peut très bien vivre tout à fait heureux en continuant d’entretenir le mythe des conversations anodines au sujet de la météo, ou bien en échangeant des banalités impersonnelles toute sa vie. Ou bien on peut essayer de substituer chaque interaction forcée, imposée par les obligations sociales, en une cagnotte amassant des échanges riches, comme on accumule les centimes. Ce sont les petits ruisseaux qui font de grandes rivières, et l’on va voir comment procéder pour devenir milliardaires. Collectivement.

Petite note de l’auteure : sans timidité aucune, je passe d’une journée durant laquelle parler ne serait-ce qu’à la caissière m’est impossible, à un autre jour, parlant presque intelligiblement. Il m’arrive de faire montre de froideur ou de désinvolture générant une gêne et une grande anxiété post-conversationnelle : je déchiffre très mal les implicites, ayant vécu nombre de situations embarrassantes, que je ne distingue absolument pas sur le moment. Cela m’impose des ruminations quand une personne agit totalement incompréhensiblement selon moi. Des sérendipités me permettent d’éclairer mon aveuglement social, le plus souvent des scènes de série ou encore des lectures, m’ouvrent les yeux sur mes errements relationnels. C’est donc cruellement concernée, spécialement consciente de mes limites que je partage ce billet.

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Les introvertis sont doués en conversation profonde, pas en mondanité

Autant l’accepter pour dépasser l’obstacle majeur des introvertis en situation de sociabilisation : se taire devient une solution pratique, même pour les discrets n’ayant aucun souci de timidité ou d’anxiété sociale. Parce que l’on est plus réservé, on passe plus de temps à concevoir ses réponses mentalement, et les formuler clairement demande plus d’espace que les tempéraments moins élevés en introversion. On commence donc par reconnaître cette carence ou aptitude, rappelons que selon de nombreuses études portant sur les compétences cognitives directement liées à l’introversion, on sait que l’introverti emploi sa mémoire de travail différemment et qu’il pense en concepts. Une pensée abstraite très bien articulée, quoique demandant quelquefois une latence. Cela pénalise donc dans les rapports mondains du quotidien.

Rappelons que les extravertis pensent en images précises les exprimant de manière abstraite – Les introvertis pensent en concepts qu’ils expriment distinctement.

La confiance en soi est un concept bidon

Accepter les échecs, ils nous apprennent que l’on ne s’écoute pas assez. C’est une opinion soutenue par de nombreux chercheurs que l’on entend peu hélas, confirmant que douter de soi améliore les performances. On ne peut plus dénombrer les charlatans sur la toile qui vendent à des individus de bonne foi, de la poudre de perlimpinpin à la sauce pensée magique. On peut entraîner son cerveau en étant parfaitement conscient de ce que l’on souhaite obtenir, apprendre une nouvelle habitude ou la perdre : des circuits nouveaux se mettent en place, parce que parler à Mme la Préposée plus d’une minute sans trop souffrir s’apprend. C’est comme le vélo, jouer d’un instrument ou bien jongler, la plasticité synaptique fait s’ouvrir un chemin que les neurones se font un plaisir de connecter, les inscrivant dans ses facultés bientôt coutumières. C’est tout. On doit Cesser d’allouer son attention et ses sous à ces bonimenteurs.

Poirot/Sherlock : Investigateur/Journaliste/Détective :

C’est ce que sont la majorité des héros investigateurs : des introvertis penseurs, notant toutes sortes de détails sur leurs interlocuteurs avant de les sonder. Il faut s’amuser à se prendre pour Hercule Poirot ou Sherlock Holmes dont les compétences sociales sont relativement modestes, néanmoins, n’ayant aucun souci à adresser toute sorte de conversations à un public très varié. On se met dans la peau d’un fin limier et l’on commence par noter les paniers des gens au supermarché, pour essayer de comprendre comment ils prennent leur repas, s’ils ont des goûts traditionnels ou non, s’ils prennent soin de leur santé et apparence. Détailler la tenue vestimentaire, l’habit fait le moine, classique ou débraillé, les mains calleuses, la démarche assurée ou non, les chaussures de ville ou décontractées, leur usure pronatrice ou supinatrice, une chevelure abondante ou négligée : bref avec le panier d’un voisin de caisse et le détail de sa tenue, on sait à peu près à qui l’on a à faire. Sans omettre de préciser qu’un individu communique par son apparence du conformisme ou son contraire, les deux choix fascinent tout autant.

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Demander conseil, avis… et interroger encore

J’ai rencontré une enseignante dans l’art d’aborder sans en avoir l’air : elle m’a simplement demandé conseil sur le choix d’un achat au rayon chaussons Isotoner® à l’hypermarché, et moi qui suis peu abordable d’ordinaire, munie de mon casque et du regard le plus fuyant qui soit, cette dame perspicace et sagace, m’a fait l’écouter avec plaisir quelques minutes hors du temps. Ce fut une admirable péripétie symétrique, malgré ma mémoire étonnamment sélective, je garde bon souvenir de cet échange. Inutile de jouer les narcissiques conquérants, il suffit de demander à la boulangère son opinion, peu importe le sujet. Débuter en conversation exige d’accepter son incompétence au début, pour ne plus avoir à s’ennuyer à chaque fois que l’on croise quelqu’un dans une situation plus cruciale pour soi. Un introverti est naturellement curieux, c’est ainsi en posant des questions ouvertes que l’on transforme une conversation banale en mini conférence.

S’intéresser sincèrement à des profils palpitants selon sa personnalité

Les personnes âgées sont communément disponibles et ouvertes à l’interview improvisée : ils ont le temps, on peut les interroger de façon impersonnelle sur des événements historiques, qu’ils racontent en général avec satisfaction, inspirés. On manifeste forcément des affinités avec un groupe social que l’on peut classifier démographiquement selon ce que l’on cultive comme centres d’intérêt : les discrets sont ordinairement cultivés, et échanger sur un thème en posant des questions pertinentes, ou bien en demandant un avis ne peut pas être mal interprété ou prêter à confusion : s’abstenir de toute situation de séduction en évitant soigneusement de générer la moindre confusion.

Empathie ou Sympathie ?

Chacun pratique l’un ou l’autre, dans ses préférences cognitives. Si on connaît son profil Mbti®, on sait que l’on emploie l’empathie si l’on est assez doué pour détecter tout ce qui relève du non verbal, et que l’on est connecté à ses émotions naturellement. Les profils ‘Feelers’ sont mieux capables émotionnellement quand les ‘Thinkers’ sympathisent, ils sont moins à l’aise évidemment, en revanche ils sont observateurs. On sait aussi que l’on a besoin d’empathie pour caler et synchroniser son comportement sur celui des autres. La sympathie est une association plus profonde à une expérience en la vivant intimement. Un psychiatre ou psychologue “empathise”, mais se restreint à sympathiser, au risque de ne plus pouvoir exercer sa profession, et c’est le cas de tous les soignants. Si un discret souhaite transformer un bavardage en conversation, il est recommandable d’employer sa préférence plutôt que l’autre, cela est plus authentique et cela se perçoit.

À Lire : Un Introverti Dans la Peau d’Un Extraverti.

Ne rien révéler de soi. Pratiquer la Concision Impersonnelle

Si on décide d’entraîner son cerveau à cette nouvelle compétence, on doit pratiquer l’établissement de règles précises et de limites, cautions de liberté : on pose des questions sans rien révéler de soi ou de ses convictions, et surtout aucune émotion, cela perturbe le canal de l’échange, en bon investigateur qui cherche à comprendre sans imposer quoi que ce soit. Après tout, on est instigateur et l’investigateur doit faire montre de déontologie : aucune spontanéité, un discret sait comment préparer des argumentaires afin de les délivrer à propos. Si l’on décide de transformer sa vie en une aventure, plutôt qu’à souffrir de banalités échangées impersonnellement, autant ne pas interférer dans l’expérience et tenir une base de données sur les interlocuteurs avec qui l’échange fut fructueux : un conseil étonnant, une expertise partagée librement, une bribe de récit d’antan. Autant de petites pièces amassées diligemment, dont on récupère la fortune en vraie richesse, on collectionne l’essence. On est un introverti extraordinairement riche.

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Tim Woodman, Sally Akehurst, Lew Hardy, Stuart Beattie, Self-confidence and performance: A little self-doubt helps, Psychology of Sport and Exercise, Volume 11, Issue 6, 2010, Pages 467-470, ISSN 1469-0292, https://doi.org/10.1016/j.psychsport.2010.05.009.

Beukeboom, C. J., Tanis, M., & Vermeulen, I. E. (2013). The Language of Extraversion: Extraverted People Talk More Abstractly, Introverts Are More Concrete. Journal of Language and Social Psychology, 32(2), 191–201. https://doi.org/10.1177/0261927X12460844

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