Humeur : Les célibataires confinés en question

Pourquoi passons-nous cette période d’isolement, complètement seuls ?

Quand on lit qu’un ministère du gouvernement malaisien enjoint les femmes épouses à cesser de brailler sur leurs conjoints, de s’apprêter et éventuellement pour les plus ambitieuses, pratiquer la cérémonie du thé. Conserver l’attention de l’étalon insatisfait. Les célibataires ont de quoi ne pas envier le sort de ces pauvres gens coincés en couple, s’envoyant toute sorte de joyeusetés projectives à la figure. Mauvaise foi ou réalité ?

À Paris, ville jonchée de déjections canines de chiens appartenant à des célibataires, plus de 1 appartement sur 2 est occupé par un célibataire ami des bêtes. Le couple n’étant plus une valeur refuge ni une perspective attrayante, après quelques échecs cuisants. Pour celles et ceux rencontrant des difficultés à faire une rencontre significative, ce billet d’humeur est destiné à (in) valider un malentendu. Tant l’offre pléthorique finit par noyer le (bon) poisson.

Les limites du «solisme».

Les célibataires, sont aujourd’hui forcés de confronter leur choix, de ne point partager leur pain quotidien. Ni autre chose du reste. Parce qu’on le choisit son célibat, on n’est jamais célibataire par hasard. On le décide, ou on laisse les circonstances décider. L’abstinence sentimentale ; en cette période de confinement, et à l’annonce probable d’un renouvellement sous peu ; celles et ceux qui vivent seuls depuis longtemps, peuvent peut-être le regretter. Bien qu’on soit parfaitement informés, que le nombre de séparations explosera inévitablement incessamment. Se confiner avec soi, pourrait petit à petit, mener à une perte de sens. Cette période surréaliste fait office de déclic, ou d’autorisation. Beaucoup d’entre les solos, ont été jusqu’au bout de leur aventure solitaire.

Reality check.

L’illusion sociale, d’une vie bien remplie de superflu. C’est ce qui que le confinement met sous les yeux des célibataires actifs. Dont le prétexte d’une vie professionnelle, ou simplement amicale, prenant leurs espaces. Se retrouvant soudain à faire face à sa matérialité crue. Affrontant sa solitude de plein fouet. Les amitiés peuvent en effet, sembler combler une part des besoins sociaux et affectifs. Cependant, on ne peut nier l’instinct poussant l’Homme au couplage, presque inconsciemment.

Se sentir tout puissant.

Le célibataire s’endurcit. Une autre pandémie faisant des victimes trop nombreuses, silencieuses et honteuses. Quel célibataire se confie sur ses angoisses solitaires ? Livre ses insécurités et désirs cachés, sous l’apparat d’indépendance indifférente et détachée, injonction sociétale sine qua non. Un emploi potable, le brushing impeccable, courir plusieurs lièvres à la fois, les conduites à risque du samedi soir. Fini de bals, où les électrons libres peuvent pêcher tranquillement, cueillir la tendresse qui l’attend paisiblement. Sans crainte que jamais sa moitié comestible, remplisse sa mission complémentaire. On est complet et fort, on n’a besoin de personne. Solides mais peureux.

Les injonctions paradoxales.

On est indépendant et épanoui, sans manques affectifs à combler, sans faiblesse, et parfait. On se remplit soi-même, par onanisme émotionnel. Est-ce un mensonge ? Aujourd’hui, trouver l’amour ne signifie-t-il pas de se muer en ‘Terminateur’ dénué de sentiment ? Dont une application numérique, transforme les demandes affectives en passions physiques et sexuelles. Ou encore, le rechignement de ses hésitations, résultant d’une mode consistant à faire payer des vaches à lait en développement personnel. Sur les bienfaits des solitudes chroniques. Une sorte d’orgueil ridicule à se sentir plus évolué, que ceux préparant et prenant leur diner en amoureux. Ça rapporte beaucoup d’argent le célibat. C’est démodé le couple. On veut vivre ses ambitions, libre, sans attaches, admirant son nombril. En regrettant le cynisme de nos choix.

Les limites de l’égoïsme.

Sont atteintes allègrement, est-il possible que certains évitant la question, se retrouvent confrontés à la pauvreté des raisonnements de nouveaux “Socrate” ? S’installant par-dessus l’auditoire conquis de contre-vérités et théories fumeuses, de lois d’univers quantiques sibyllins et magiques. Laveurs de cerveaux talentueux et pérennes. Vendre une pensée dissonante, responsable de déconversions tardives. Incomprises par les porteurs de ses symptômes. À long terme, les conduites d’évitement font prendre des chemins allongés, sources de regrets durables.

Tous codépendants.

C’est à la mode. Nous serions tous touchés par les dépendances affectives, et immatures. “Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage”. Les célibataires sont devenus des experts en psychiatrie de comptoir. Avec une compétence acquise à coup de presse féminine mal documentée. C’est branché l’indépendance, on vit le moment présent. Les célibataires projettent leurs peurs sur les amoureux, leur inventant toutes sortes d’heureux malheurs, dont ils se délectent en se réconciliant sur l’oreiller, ou sirotant un bon café-complice.

Gardant le secret espoir qu’un jour, l’amour forcera leur porte fermée à double tours. À quoi bon admettre d’espérer sa faiblesse ? Chercher des applications de rencontres vulgaires, discriminer du ‘vent’ retouché grossièrement. Jugeant deux phrases mal copywritées, l’estime de soi dans les chaussettes.

Je mérite mieux que ça.

Je mérite la perfection. C’est encore un affreux mensonge de se voir plus grand que l’autre. Que ce qu’on est. Les célibataires sont devenus exigeants. Cherchant une Barbie toute option, à l’attirail aguicheur, ayant tout vécu, comme un cactus sans besoin d’arrosage. Un homme sans défaut, une caricature de pub Audi. Comme un bel appartement minimaliste plein sud, avec vue sur Seine. Sans routines ni habitudes. Diktat de la passion, la sexualité se vit spectaculairement de performances explosives, comme dans les films pornos aux scénarios infantiles. Brader une sexualité stéréotypée, issue de cerveaux avides et malins.

Désapprendre à se battre.

Pour une relation, pour un autre comme soi. On swipe sans affect pour consommer des frustrations. S’enchainant au gré d’un confort virtuel. Se révélant une prison, pas si dorée. Nous sommes des mammifères sociaux, aucun gourou ne pourra nous transformer en portefeuille pour manipulateur séducteur. D’un côté, faisant passer les solitudes des vertus salvatrices. De l’autre, on vend l’amour fruit des hasards passionnels. S’attrapant comme Sars CoV-2, à la faveur du postillon. Perdant de vue que l’amour se construit. Pas à pas, et qu’il lui faut du temps. Le narcissisme environnant ne lui est pas compatible.

Le célibat un refuge sans toi.t.

Cette pandémie a mis quelques célibataires sur une pente ascendante. Affrontant enfin les contradictions des choix par défaut. La vie continue et le célibat perdure. Devant des vitrines de chair offerte, sur les sites de rencontres où chacun se vante, vendant du vent. Félicitant orgueilleusement ses réussites. Se montrant sous son meilleur mensonge. Tenter vainement d’obtenir un coït médiocre, promis aux lendemains de fête.

L’aurions-nous cherché ?

Méritons-nous ce qui nous arrive ? On voit des femmes sans aucune dignité se montrer dans des postures charcutières. Proposant des services comme des professionnelles. Des hommes étaler leurs vides sans états d’âme. Sans sens critique ni inhibitions. Dans des tenues légères, au pectoral dont le cœur symbolique a cessé de battre. Le collectif humain préfère la souffrance à l’amour. L’amour bafoué, banalisé, devenu une chose d’Instagram. Singeant des peoples gagnant leur pitance en exhibant leurs attributs (siliconés(.

Les insécurités protègent.

Un bouclier perfectionniste. Le ‘paramour’, à l’instar du paratonnerre. Ces exigences délirantes projetées, illusoires. Limitations consciemment induites par un conglomérat mercantile, dont les intentions n’ont pas grand-chose à voir avec l’intérêt collectif. Le célibat est un vrai enjeu économique à toutes les échelles. L’égocentrisme et la solitude, nettement plus rémunérateurs que la communauté de biens. On contractualise l’affection. Apposant des conditions et du paraphe sur ses sentiments. Cette façon de s’empêcher de trouver la simplicité du lien et de le complexifier.

Les remises en question.

Il est peut-être temps pour les célibataires de s’observer. D’apprendre à s’aimer avec compassion, sans égoïsme, avec altruisme sans attentes démesurées vis-à-vis d’un partenaire fantasmé. N’existant que dans le portefeuille du retors. Qu’on soit gros au pauvre, handicapé, l’amour est un droit ! On peut s’autoriser l’insuccès, inévitable avant de trouver sa moitié compatible. C’est la superstition qui fabrique le malheur lui cherchant une raison. Casser l’assesseur d’imperfection. Profiter du don des concessions pour se construire. Dépasser la crainte de se montrer tel qu’on est vraiment. Dissimulant maladroitement la peur du rejet. Cesser de chasser un partenaire idéal, paravent chimérique. S’accepter soi, l’autre suivra. Cesser de se traiter comme des objets périssables. C’est un mensonge. Un génocide affectif et émotionnel, dont nous pouvons cesser d’être complices.

TheIntrovertSinger

David Le Breton : Les tyrannies de l’apparence : le corps alter ego , Anthropologie du corps et de la modernité

error: Content is protected !!