Expliquer la Procrastination Des Introvertis

Pourquoi les introvertis se créent-ils des problèmes en repoussant au lendemain ?

Ce vieil adage de nos grand-mères : «ne remets pas à demain ce que tu peux faire aujourd’hui », met mal à l’aise quelques introvertis. Il est possible que tous les introvertis aient eu à affronter l’épreuve du blocage à achever une tâche importante. À prendre une décision cruciale pour son avenir. À éviter une pensée, la remettant aux lendemains soi-disant plus cléments. “Que nenni ! Répond le cerveau, “je vais te faire tourner en rond !”, alimentant ce cercle infernal dont fait l’objet cet article, dont les recherches aboutissent à un dénouement surprenant.

La complexité du passage à l’acte.

La vie d’un être humain semble simple en apparence. Cependant, nous prenons toute la journée, nombre de décisions, des plus mineures en apparence, jusqu’aux actions engageant à plus ou moins long terme.

Le processus de prise de décision se fait plus ou moins consciemment, quel que soit le geste qu’on décide d’accomplir. Tout un déroulé de micro-pensées s’enchevêtrent, aboutissant à un résultat relativement considérable.

La stratégie de l’autruche.

Cet enchaînement d’événements ou de stimulations, demande un investissement intellectuel qu’on ne peut pas soupçonner. Par exemple, décider d’aller faire une course ou de sortir, versus prendre un bouquin, notamment pour un introverti, ‘socialement évitant’.

Préparer un dîner ou se faire livrer. Ou encore, prendre son téléphone et appeler, pour résoudre une question quelconque. On discrimine en permanence : ses vêtements du jour, si on va sourire ou non à la dame qu’on croise chaque matin. Comment on prend sa douche, avec quel savon, etc. La maintenance de nos existences est basée sur notre personnalité, ou ce que l’on suppose être sa personnalité. Cependant, comment éviter la souffrance, demeure la préoccupation première de l’humanité.

La définition de procrastination.

Procrastiner vient du mot latin, akrasia (acrasie), signifiant se faire du mal à soi, vouloir bien et mal faire. Quand on procrastine, on fait le choix de porter atteinte à son intégrité. C’est le plus désagréable quand on réalise qu’on s’ajoute un fardeau, en décidant de ne pas avancer. On procrastine pour plusieurs explications, que nous allons tenter passer au crible.

Blesser son ‘futur-moi’.

Une mauvaise estime de soi ou trop haute ! Ce qui revient au même. On procrastine en premier par peur. De l’échec cachant souvent une crainte du succès. C’est un faux paradoxe et un mystère connu. Il n’y a rien de plus banal, que de se refuser au bien-être, si on est convaincu ne pas mériter le meilleur. Y compris pour des choses apparemment anodines. On comprend, qu’il y a une part de soi s’adressant à l’autre. On évite de voir un médecin, de se soigner, on se laisse s’épuiser ou au contraire, on stagne lamentablement.

On se ‘laisse tomber’.

À se résoudre de consulter un thérapeute, ou demander un conseil, évitement banal chez les introvertis. On procrastine à mort chez les introspectifs, quand il est question de relation, ou de communication.

Allégeant un maximum la quantité d’interactions sociales, ayant pour effet de faire perdre du temps. Attendre la dernière minute, la date butoir en panique, pour terminer son mémoire de doctorat ou un rapport important, être un retardataire chronique. Trouvant des prétextes à ses empêchements.

Quels sont les profils procrastinateurs ?

Tous les introvertis sans exception procrastinent, sur un thème en particulier. On sait que les penseurs très analytiques sont ceux évitant les interactions, obsédés par le pointillisme.

Les émotionnels vont éviter les sentiments trop aigus, laissant les problèmes affectifs s’aggraver, par crainte. Les personnalités pragmatiques sont peut-être inclinées à des négligences, en matière de soins de soi et des autres… on en cumule plusieurs, selon les périodes et les enjeux engagés, plus l’enjeu est lourd, plus on procrastine.

Le perfectionnisme n’est pas l’unique explication.

Le syndrome de l’imposteur, et le perfectionnisme seraient souvent en cause aussi. Ce sont deux des raisons pour certains, se révélant des procrastinateurs nés, et ils sont nombreux. De surcroît, les introvertis se trouvent flanqués d’un cerveau encore plus complexe.

Un cortex compliquant la compréhension de ce fléau. Néanmoins, s’il ne s’agissait que de perfectionnisme, ça serait très simple à appréhender, n’est-ce pas ? Toutefois, il y a une autre explication, bien cachée celle-ci, expliquant pourquoi nos méninges déraisonnent.

Le cerveau des introvertis et la procrastination.

Les introvertis on le sait, possèdent un cerveau plus dense et plus riche en matière grise.

Le processus de prise de décision passe par les interactions, avec notamment le cortex préfrontal hyperactif des introvertis. Comme on peut l’envisager, les introvertis souffrent de leur tendance à la procrastination, dont ils prévoient les effets catastrophiques de leurs hésitations, ou passivité.

La sensibilité des introvertis.

Les introvertis sont plus poreux à leur environnement, ils sont distraits facilement, en cause leur hyperesthésie caractéristique.

En cause également, les difficultés attentionnelles et/ou motivationnelles, parce que le circuit de récompense empêche certains passages à l’acte, alimentant une habitude. Parce qu’également, le stress et son anxiété, sont des processus compensatoires habituels et familiers chez les introvertis.

L’explication : Un mécanisme de compensation.

Selon Fushia M. Sirois, de l’université de Sheffield, la procrastination régule l’humeur. C’est le stress et sa compagne, l’anxiété, offrant une béquille de régulation de l’humeur. Puis, quand un introverti doit accomplir une tâche qu’il repousse à cause de l’importance de son aboutissement, le cerveau se met en hyper vigilance. Le cortex préfrontal est responsable de la planification, et de résoudre les problèmes. Les fonctions exécutives*, ses capacités d’action, en seraient par conséquent affectées.

Sans oublier le petit hamster ruminant ; commençant à tourner sa roue inlassablement. C’est ici que l’introverti met en place des stratégies d’évitement, afin de se décharger du stress s’installant. Plus la situation est grave, plus la stratégie de contournement prend le dessus : on remet à plus tard pour se soulager du stress des ruminations des enjeux.

L’explication : Un manque de compassion pour soi.

On se laisse se noyer dans ses problèmes, et se tourner le dos. Selon une étude* menée par Fushia M. Sirois, de l’université de Sheffield, confirmant une corrélation entre procrastination et niveau d’auto compassion. L’argent, les sentiments ou la santé ? Plus le sujet est critique, plus on procrastine.

À force d’avoir mesuré la gravité de la situation avec inquiétude, l’introverti essaie vainement de se soulager. Repoussant autant que possible de mettre en place des actions, dans le sens d’une issue ou d’un dénouement. Plus l’issue est incertaine ou incontrôlable, plus on s’impose un enfer, en repoussant l’agissement. Le cerveau s’épuise à avoir peur, et procrastine pour apaiser son anxiété, se reposer, et fuir. C’est une mécanique protectrice ultra sophistiquée.

Quelles solutions ?

Existe-t-il une recette miracle ? Oui, le passage à l’acte. Même un petit geste soulage du stress, donc de l’anxiété. La fatigue mentale des ruminations peut faire commettre des erreurs évitables.

Il y a une part d’ombre en soi, cherchant à exprimer un malaise, un vide. Quand on se met dans une situation complexe, on rejoue quelque chose, dont on s’estime responsable. La solution ? Se réhabiliter, sans réserve. On s’inflige des souffrances inutiles en permanence quand on procrastine. Commencer par se pardonner sans réserve, du mal qu’on se fait, puis passer à l’action. La plus petite des moindres, soulage du stress des apathies.

Cultiver la charité pour soi.

Reconnaître la situation, se pardonner avec une bienveillance compassionnelle, puis mettre en place un passage à l’acte, minuscule et insignifiant. S’efforcer au premier pas.

Un programme simple d’apparence, et pourtant… il faut beaucoup de courage et d’amitié pour soi, pour répondre à ses besoins sans détour. Aucune pensée-recette ou magique, ne résout aucune péripétie. Toutefois, s’apprendre que la réalité est souvent moins sombre que la fiction, peut soulager en attendant d’agir pour ses intérêts les plus sincères.

TheIntrovertSinger

*Ressources :

Sirois, Fuschia. (2014). Procrastination and Stress: Exploring the Role of Self-compassion. Self and Identity. 13. 128-145. 10.1080/15298868.2013.763404.

Why Wait? The Science Behind Procrastination : psychologicalscience.org

Procrastination Automatic Thoughts as a Personality Construct: An Analysis of the Procrastinatory Cognitions Inventory : link.springer.com

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