A-t-on du mal à admettre qu’on se sent seul quand on est introverti ?

Un introverti nécessite peu de maintenance en matière de relation, cette autonomie, comme une batterie, finit par laisser s’installer de longues périodes de solitude affective. Est-ce que mon introversion m’a rendue microscopique ?

Nous sommes tous porteurs de nos passés, plus ou moins chargés, et c’est avec un bagage relativement lourd que chacun avance à son rythme. C’est la capacité à rebondir et se réinventer, puis à avancer avec ce nouveau “moi”, qui fait la différence. Personne n’est à l’abri d’une traversée du désert. Je ne travaille plus en entreprise depuis quelques années, et je paie ce privilège très cher. Être invisible.

Je me suis rendu compte que ma solitude devenait chronique, quand le seul visage familier que je croisais était celui de Jennifer Aniston, et que ma bande de copains était celle de la série Friends, et remontait aux années 90.

Les introvertis invisibles sont nombreux, on ne sait pas qu’ils existent, et ils se gardent bien de se manifester. Nous sommes célibataires pour beaucoup et ceux vivant en couple, il y a des solitudes encore plus blessantes quand on vit à deux ou en famille. Il n’y a rien de pire pour un introverti que de se sentir seul, quand la vie autour de soi continue de tourner, sans nous. Ne pas avoir d’amis est courant et banal.

Lorsque je travaillais pour un média, j’étais très matinale et finissais ma journée de travail à l’heure du déjeuner, riche des avantages de cette vie un peu hors du temps, levée très tôt libre les après-midis, avec une vie sociale remplie d’obligations professionnelles intéressantes. Je n’ai pas d’ami, je n’en ai pas besoin autant qu’un vrai meilleur ami, mais ça ne court pas les rues. Je n’ai pas gardé ceux de mon enfance, les rejets se sont succédé. Ceux de ma vie adulte étaient des relations de travail donc de passage, et je garde de beaux souvenirs de quelques introvertis.

Les introvertis aiment la solitude.

Les introvertis recherchent et entretiennent leur solitude, et nous savons que les introspectifs présentent des risques élevés d’isolement, ne serait-ce que par cette absence de motivation caractéristique. L’introversion peut faire oublier ses besoins relationnels. Un film peut relancer la machine à ruminer, et le petit hamster tourner sa petite roue. Quand on est très actif mentalement, la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Ce sentiment d’isolement devant une scène de film ou dans la foule, les introvertis invisibles le connaissent bien. Qu’est-ce qui cloche chez moi ?

Les introvertis se sentant invisibles ont certainement passé une période sans relation significative. Sans lien authentique et sincère. Sans conversation profonde ou essentielle. Les introvertis n’ont pas besoin de groupe d’amis ou de popularité sur les médias sociaux, cependant une amitié sincère, recevoir et donner de la validation est nécessaire à l’équilibre affectif.

L’université de Californie (Ucla), a mené une étude durant une trentaine d’années sur des sujets féminins, ayant démontré que le sentiment de solitude peut avoir un facteur héréditaire. Élever sa fille en se sentant seule peut faire se reproduire l’impression de solitude, mais s’agit-il de sentiment ou bien d’isolement réel ? Cela peut tout à fait signifier que ce comportement est héritable et qu’il se reproduit de génération en génération. Une mère ou une grand-mère introvertie ayant vécu seule, est parfois le signe qu’on a hérité de cette particularité.

La maturité n’aide pas.

L’introversion est innée, on ne devient pas introverti après des traumatismes ou je ne sais quelles sottises lues ici et là, c’est un tempérament plus ou moins marqué. Cette tendance croît avec l’âge, selon Susan Cain, évoquant une étude menée à grande échelle sur des sujets de pays et cultures très diverses, y compris sur des primates, cette maturité intrinsèque (intrinsic maturity) explique ce qui arrive à beaucoup d’introvertis avec le temps : leur introversion s’accroît.

Tout le monde est concerné par la maturité, les extravertis aussi, du point de vue évolutionniste, l’extraversion servirait à la reproduction… même si on voit certains remettre le couvert en accumulant les lits, les mariages et autres unions, mais c’est un autre problème. Il est des gens dont la maturité n’atteindra jamais que les couches superficielles de l’épiderme.

On est souvent gêné ou honteux d’évoquer que l’on a plus d’amis, que le temps a passé et que les gens y sont restés. J’avoue avoir du mal à comprendre pourquoi des circonstances tellement humaines nous sont si difficiles à admettre. On ne change pas avec le temps, mais on se respecte mieux, on a moins tendance à se contraindre pour faire partie du groupe, ou simplement s’assimiler.

Rien à dire à la machine à café.

On arrive le lundi matin au boulot, et on n’a rien à raconter. Ce n’est pas particulièrement triste, c’est humain, et nos circonstances de vie font qu’on peut avoir tissé peu de liens consistants. Ce sont ces attaches qui manquent, un canal de communication avec un entourage signifiant abondamment, où la confiance est assurée et implicite. On se lance dans la vie, porté par tant d’espoirs et d’illusions, largement démentis tout au long de son parcours.

Les introvertis ont des besoins spécifiques en qualité relationnelle, la quantité ne fait pas sens chez les introspectifs. C’est cette profondeur qui manque. On ne se sent pas seul par manque d’activités ou de changements, mais d’un échange faisant grandir ou bouger quelque chose en soi.

TheIntrovertSinger

Références :

How Your Personality Matures with Time : Susan Cain

WITH AGE COMES INTRINSIC MATURITY AND INTROVERSION : peacequarters.com

Yes, Even Introverts Get Lonely Sometimes : Jenn Granneman

Introverts and the Loneliness Loop : Sophia Dembling

Lonely : A Memoir : Emily White