Les insomnies des confinés sensibles

Peut-on retrouver du bonheur à dormir pendant le confinement ?

“Il faudrait définir ce qu’est le bonheur de dormir. Ou bien, ce que n’est pas le bonheur, dont les ambitions perfectionnistes font obstacle à en ressentir les effets. La sagesse sait que ça n’est pas une destination, davantage un chemin. J’écris volets fermés tous les jours à 5 h, en regardant dehors ce matin pour la première fois, ma vision confirmait un pressentiment : les gens sont réveillés. Manifestement à Paris, on ne dort plus si bien”.

Peut-on comparer notre expérience de confinés, à celle des prisonniers en milieu carcéral ? Nos immeubles d’appartements ressemblent à s’y méprendre à des centres de détention.

De parfaits malheureux.

Vivre toutes ses épreuves dans la perfection, c’est ce que prétendent ou vendent les Youtubeurs ou autre thérapeutes bien pensants ou narcissiques, ou encore pas très solidaires. Euphémismes ou pléonasmes ? Dont l’empathie douteuse fait douter, et les commandements à vivre ses galères avec un panache rappelant le comportement de sociopathes désensibilisés. Dormant et buvant de tous leurs saouls, imperméabilisés. D’autant que nos façades sont inutiles quand on est confiné, et qu’il existe d’excellents thérapeutes vulnérables, permettant d’expérimenter collectivement une réalité partagée et identifiable, à laquelle s’identifier intimement. Contrairement à ces thérapeutes-youtubeurs sévissant du haut de leurs égos, proposant des préconisations creuses, sans contact avec le contexte réel. On subit leurs vidéos-conseils d’arguments autoritaires mortifères, sans valeur ajoutée ni solution concrète. Relevant plus d’une chronique insipide ‘santé-bien être’, d’un magazine pour dames de salle d’attente, que de spécialistes en santé mentale.

Plus compliqué en ville qu’à la campagne.

Les vilains dans leurs cages à poules urbaines sont plus sanctionnés que les serfs ruraux. Il y a beaucoup de solidarité entre les confinés aujourd’hui, on constate une sorte de resynchronisation biologique du collectif citadin enfermé. Les plus sérieux d’entre nous, sont très à cheval sur leurs routines en termes d’activité physique ou sportive. Dont certains viennent à se lancer en rookies, opportunément. Pour garder des cycles veille-sommeil à peu près décents, on doit logiquement s’exposer à la lumière du soleil, en décidant de se mettre un coup de pied au derrière de bon matin. Astuce supportant notre système hormonal complexe, dont le fragile équilibre mérite de l’attention. Toutefois, faut-il s’inquiéter de ne pas dormir, car nous sommes perturbés, au point d’ajouter de la peine à ses peines ? Aller se coucher en ayant peur d’avoir peur (de ne plus jamais dormir).

L’anxiété des problèmes réels.

Combien d’entre les confinés se retrouvent sur le carreau financièrement ? Comment manquer d’empathie au point de ne pas avoir à l’esprit, que c’est le cas pour la majorité de celles et ceux qui se retrouvent enchevêtrés, dans cette spirale imposée, de soucis s’accumulant aux circonstances de vie. Enfermés chez eux depuis des semaines, subissant des bouleversements physiologiques, dont l’ampleur commence à se mesurer. Au fur et à mesure des incertitudes sur les débouchés de cette catastrophe sanitaire. Les thérapeutes peu compassionnels ne peuvent pas comprendre, que des individus rencontrent des difficultés concrètes, matérielles. Petits thérapeutes dans leurs petits conforts, n’apportant qu’un surcroît d’anxiété sans volonté de soulagement, autre que leurs conseils passe-partout, planqués courageusement derrière leurs petits conforts bourgeois, mais pas noble.

Les confinés ayant perdu leurs sources de revenus ou ayant dû annuler de nombreux projets, ont pour la majorité d’entre eux, à ne plus avoir d’autres attentes que des craintes. Et d’autres mauvaises nouvelles pour leurs avenirs flous et gris, sans pessimisme ni optimisme. Conseilleurs mais pas payeurs du web, se gaussant bien de savoir, ce qui pourrait réellement aider leurs prochains, en tartinant un discours insipide calibré mainstream, n’ayant strictement aucun intérêt.

Des conseils moisis.

Même les animaux captifs des zoos doivent s’adapter, faute de distractions humaines quotidiennes, comme privés de télévision ou d’internet, si on anthropomorphise.

Les conseils tournent autour de la régularité des réveils, de routines et d’exercice physique, très important ça quand on est dans la mouise. Oublier les stimulants après 16 h ? (Je serais tentée par conseiller pas d’excitant du tout ou pas après 11 h maxi midi.) Dont la neutralité atterrante, fait douter des compétences de ces gens grassement rémunérés en attention, pour répéter ce qu’on peut lire sur le site de l’institut-sommeil-vigilance.org, donc redondant. “Tu te lèves bien tous les jours à la même heure et puis tu fais dodo aussi à la même heure. Tu ne dois pas regarder des informations qui font peur et manger trop gras ou sucré, ce sont des vilenies”. Est-il possible qu’enfermé, on n’ait plus besoin de dormir heures par nuit ? Burn-out ou trop-plein d’énergie ?

Disciples des commandements.

Tu seras puni si tu sors de chez toi en dehors du couvre-feu. Nos horaires de sorties hors cellules sont limités. Souffririons-nous d’un syndrome carcéral, comme les prisonniers dans leurs prisons surpeuplées ? Ne serions-nous pas sensibles et touchés par ce décor de film d’anticipation catastrophique, quand on regarde par la fenêtre ? L’exposition au stress devient chronique. Peut-être avons-nous moins besoin de sommeil agité, que de repos réparateur. Les thérapeutes pas empathiques ne peuvent pas le deviner, les (vrais) pauvres, qu’en savent-ils ces ignares au CV prestigieux ? Maison de retraite ou prison, dans des cellules dortoirs insupportables, sans la nature de nos parcs fermés, et la vision du béton commençant à peser. Puis ces applaudissements à 20 h, me font penser aux scènes de rixes, des quartiers ‘Haute Sécurité’ des prisons des documentaires de la chaine PBS.

La dénaturation carcérale.

La perte d’identité du confiné proche de celle des populations carcérales ? Des repères sociaux disqualifiés, de nos longues queues dans la rue pour acheter du pain, du presque rationnement alimentaire. Des uniformes guettant nos moindres faits et gestes, alourdis de ces attestations horribles obligatoires, comment dormir à poings fermés ? Si on est sensible, sortir avec son masque et ses gants, se changer tout le temps, avoir peur des poignées de porte, et de la caissière au miniprix. Marcher dans des rues désolées aux barrages policiers, évoquant une guerre de moins en moins sanitaire. L’avantage est que désormais, on sait qui est psychopathe, et qui ne l’est pas.

Alors oui, nous souffrons collectivement du syndrome du prisonnier, au mitard isolé, avec une heure de sortie par jour. Dans la rue de sa prison tout seul. Parce qu’à deux on est des tueurs en série. On est chez soi, on a du confort, à manger et un accès internet, certes. Les prisonniers aussi. Comment se fait-il, qu’ils soient dans un état psychique de stress permanent et hypervigilents ? Parce que c’est dangereux de ne pas pouvoir s’en aller, d’être coincés sans contrôle sur les événements. Nous réagissons aux restrictions physiologiquement, puis psychiquement.

Survivre incarcérés.

30% des gardiens de prison souffrent aussi de stress post-traumatique, avec leurs prisonniers. La population carcérale n’ayant plus aucun contrôle sur son avenir, soumise à des règles coercitives, des intrusions régulières dans leurs activités, sans évoquer les séparations insupportables. Faut-il aller jusqu’à évoquer le nombre de tentatives de suicide des prisonniers ? Quand on rate une fois, le taux de réussite à la deuxième tentative est élevé. La situation que nous vivons collectivement est suffisamment extraordinaire, pour empêcher de faire son dodo habituel. C’est encore une réalité imposée, avec laquelle on doit avoir l’air parfaitement d’accord et enthousiastes, avec le sourire blanchi hypocrite, de la désinvolture narcissique.

“À tous les individus s’adaptant mal au changement, courage, c’est presque terminé”.

Notre corps s’exprime écoutons-le, car, on doit se taire dans la gratitude, quand on a encore un toit par-dessus sa tête : ça finit par se traduire en maux insomniaques. Globalement, les gens se soumettent avec application, à l’aide de leurs petites attestations, et c’est certainement une des causes du problème. Personne (ou presque) ne rechigne malgré la tristesse, la solitude et la colère des dégâts économiques et autres banqueroutes, sources de détresses mentales collatérales.

Cependant, a-t-on encore le droit de cultiver sa pensée critique, armée de scepticisme non létal, contrairement à Covid-19 ? Dommage qu’on n’interdise pas les narc-thérapeutes en quête attentionnelle.

TheIntrovertSinger

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